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Sophia Torres, Town Hall sur les Biens Commun Mondiaux (Interview)

Sophia Torres, Plateforme Mondiale pour le Droit à la Ville

Sophia Torres est membre des équipes du Secrétariat général de la Plateforme Mondiale pour le Droit à la Ville et de la Coalition Internationale de l’Habitat. Elle travaille sur des sujets liés à la défense des intérêts mondiaux. Sophia est titulaire d’un diplôme en relations internationales de PUC-SP et d’un master en politique urbaine de Sciences-Po Paris. Elle est spécialisée dans les politiques publiques urbaines et se concentre sur le droit au logement et le droit à la ville, notamment dans le contexte sud-américain.

Quel est votre point de vue sur le processus du Town Hall et ses progrès jusqu’à présent ?

Nous avons eu la chance de participer au premier processus du Town Hall en 2019 et de le poursuivre ici à Daejeon. Je vois des progrès dans la transposition à plus grande échelle du processus. Je pense que l’expérience de Durban était vraiment bonne, mais nous sommes heureux que sa portée soit plus ambitieuse. À Durban, nous avions enrichi le mécanisme de quelques messages clés grâce à des documents d’orientation et du Town Hall. Cette foisci, c’était complètement différent. Nous avons mené pendant dix mois un programme d’échanges et de débats qui ne se sont pas déroulés uniquement entre nos quelques organisations, comme ce fut le cas à Durban, mais avec beaucoup d’autres. Les interactions et les alliances entre les organisations au sein de notre Town Hall, mais aussi avec d’autres Town Halls, ont été très fortes, et j’en suis particulièrement heureuse.

L’engagement formel à ce que ce mécanisme s’adapte et devienne plus participatif est un autre point à retenir. L’un de nos messages clés est “passer de la participation à la co-gestion”, et la façon dont le Town Hall est organisé nous permet d’avancer lentement dans cette direction. La preuve en sera faite par la suite. Nous sommes très satisfaits de ce que nous avons présenté et des idées élaborées ensemble.

Nous sommes encore en train de voir comment cela peut s’aligner avec la vision du Pacte pour l’Avenir. Nous sommes convaincus que c’est compatible, mais ce qui compte, c’est que l’ensemble de l’écosystème CGLU adopte ces idées et les mette en œuvre. Le chemin est tracé, nous sommes très enthousiastes et il reste beaucoup à faire.

Quelles conclusions tirez-vous du Congrès ?

La première chose à retenir du débat qui a précédé le congrès était la discussion autour des biens communs mondiaux et locaux. Nous nous demandions si nous devions trouver un terrain d’entente pour qu’ils coexistent ? Ce que nous avons conçu durant notre Town Hall est une vision très locale des biens communs; pas juste des biens en eux-mêmes, mais de la mise en commun en tant que processus garantissant la responsabilité sociale des entreprises par la co-gestion des ressources et du patrimoine entre la société civile et les collectivités locales. C’est en soi un exercice qui change la façon dont les décisions sont prises et qui rétablit la confiance.

Le deuxième point à retenir est que ce processus de mise en commun ou de gestion conjointe, et pas seulement de participation, est une étape clé dans le renouvellement du contrat social. Notre conviction est qu’il n’y a pas de nouveau contrat social sans le peuple, le gouvernement ou la planète. Pour que le lien entre le peuple et le gouvernement fonctionne, nous devons faire un pas en avant et penser au-delà de notre représentation habituelle de la participation, pour nous orienter davantage vers la cogestion et le travail en commun ; voici notre principale recommandation.

Dans notre document, nous établissons des mesures concrètes qui permettent aux gouvernements locaux et régionaux de mettre en commun et de perfectionner leurs initiatives afin que d’autres formes de mise en commun se développent. Cela se produit au niveau local et transforme la façon dont nous prenons des décisions et trouvons des réponses pour vivre ensemble. Agir au niveau local renouvelle la légitimité de la société civile et des collectivités locales quant à leur implication dans la gouvernance multilatérale.

Comment voyez-vous le Pacte pour l’Avenir ?

Je trouve le Pacte ambitieux, mais nécessaire. Pour mener ces politiques tant à l’échelle locale que mondiale, ces acteurs doivent bénéficier d’une vision commune. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est que les recommandations des Town Halls soient pleinement intégrées dans le Pacte, cela inclut les propositions d’actions concrètes. L’étape suivante sera consacrée à l’articulation entre la vision et l’action. Je pense que ce Pacte fixe cette vision et qu’il s’agit d’une vision ambitieuse. Durant le Congrès, beaucoup ont évoqué l’idée que CGLU incarne la maturité du mouvement municipaliste, et je pense que le Pacte en est une vision. Depuis la pandémie, il est clair que les populations ont beaucoup d’attentes quant à leur capacité d’agir, et la vision doit donc être à la hauteur de cette responsabilité.

Le Pacte propose une approche claire et plurielle. Maintenant nous verrons de quelles façon CGLU peut traduire cette vision en action. Comment le local peutil, par l’action conjointe des collectivités et de la société civile, agir à l’échelle planétaire ?

C’est la principale conclusion que je tire du congrès: il y a eu de nombreux enseignements, il y a une réelle capacité d’agir et une conviction que nous pouvons agir collectivement. Les pions sont en place, il ne nous reste plus qu’à les mettre en marche.

Quelles sont les prochaines étapes pour votre organisation ?

Notre organisation est et sera toujours attachée à la mise en œuvre et à la reconnaissance du Droit à la Ville. Nous espérons continuer à mener ce travail avec CGLU et les autorités locales. Unis ainsi, nous espérons pouvoir réclamer une reconnaissance totale du droit à la ville avec le soutien du système multilatéral, auprès de l’ONU et des organisations des droits de l’homme, par exemple.

Nous continuerons à travailler en ce sens, et notamment avec les autorités locales pour que leurs politiques soient respectueuses du Droit à la Ville et comblent le fossé entre les actes et les promesses formulées dans les instances internationales. C’est dans la continuité de notre travail. Nous voulons établir un programme de politiques municipales spécifiquement dédié au Droit à la Ville. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une présentation aujourd’hui lors d’une séance.

D’un autre côté, nous sommes très enthousiastes à l’idée de poursuivre la discussion avec CGLU et les collectivités locales sur la reconnaissance et la promotion des biens communs et de la mise en commun comme stratégie pour faire avancer le Droit à la Ville. La discussion d’hier au Town Hall était vraiment intéressante et nous voyons que les gouvernements comprennent ce qu’est la mise en commun. Mais nous devons encore travailler sur les moyens de mettre en œuvre concrètement les pratiques de mise en commun. De nombreuses villes montrent la voie, mais nous devons continuer à sensibiliser et à utiliser les ressources dont nous disposons pour aider ces acteurs à poursuivre la mise en œuvre de nos idées.

« Biens communs » est le document d’orientation issu du Town Hall, un espace de dialogue entre la société civile et les dirigeants politiques des autorités locales et régionales. La Plateforme mondiale pour le droit à la ville est l’une des principales organisations à avoir présenté ses conclusions au Congrès mondial et au Sommet des dirigeants mondiaux de CGLU. Le processus de Town Hall a également été soutenu par la Coalition des villes pour les droits numériques, l’Open Society Foundation, Accord, l’UNICEF et la FAO. Le document final est disponible ici.